L’hépatite virale est une problématique de santé publique majeure contre laquelle l’organisation mondiale de la santé (OMS) a proposé de nombreuses stratégies pour son élimination. Malgré de nombreuses avancées thérapeutiques, il reste des freins pour atteindre les objectifs ambitieux proposés par l’OMS. Concernant le virus de l’hépatite B (VHB), un effort doit être fourni pour promouvoir la vaccination universelle et réduire le risque de transmission materno-fœtale. La recherche d’un traitement curatif est également à considérer et nous passerons brièvement en revue les avancées dans ce domaine.
L’élimination du virus de l’hépatite C (VHC) rencontre des difficultés différentes. En effet, malgré la disponibilité d’un traitement antiviral efficace dirigé contre le VHC, les données récentes montrent que seulement 5 % de la population mondiale diagnostiquée aurait bénéficié d’un traitement. Les stratégies actuelles doivent axer leurs efforts sur l’accès au circuit de soin pour les patients virémiques. Une autre difficulté réside dans le suivi des patients guéris avec des recommandations de suivi encore débattues.
Cette revue passera rapidement en revue les avancées récentes concernant les virus de l’hépatite B et C.
Hinweise
Note de l‘éditeur
Springer Nature conserve une position neutre en ce qui concerne les revendications juridictionnelles dans les cartes géographiques et les affiliations institutionnelles figurant dans ses publications.
Abkürzungen
Ag HBe
Antigène HBe
AgHBs
Antigène HBs
AN
Analogues Nucléot(s)idiques
CHC
Carcinome hépatocellulaire
CpAMs
Modulateurs de l’assemblage de la capside
ECDC
European Center for Disease Control
NAFLD
Non-alcoholic fatty liver disease
NTCP
Sodium taurocholate cotransporting polypeptide
OMS
Organisation Mondiale de la Santé
PEG-IFN-α
Interféron alpha pégylé
RVS
Réponse virale soutenue
siRNA
Short interfering RNA
TAF
Tenofovir alafenamide
TDF
Tenofovir disoproxil fumarate
VHB
Virus de l’hépatite B
VHC
Virus de l’hépatite C
VHD
Virus de l’hépatite D
Introduction
L’hépatite virale est un problème de santé globale majeur, considérée comme étant la septième cause de mortalité dans le monde. Les hépatites virales seraient responsables d’environ 1.4 million de décès chaque année, dont 47 % imputables au virus de l’hépatite B (VHB) et 48 % à l’hépatite C (VHC) [1]. On distingue l’hépatite virale chronique de la forme aiguë par la persistance de multiplication virale chez l’hôte pendant au moins 6 mois. La présence d’une infection chronique par les virus des hépatites est associée à une inflammation chronique du foie, pouvant mener à nombreuses conséquences à long terme, dont les principales sont la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire (CHC).
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a proposé de nombreuses mesures visant à l’élimination de l’hépatite virale comme menace à la santé publique d’ici 2030 avec des objectifs ambitieux de réduire de 90 % les nouvelles infections et de 65 % le nombre de décès liés aux hépatites virales. La disponibilité de puissants traitements antiviraux dirigés contre les virus des hépatites B et C répond en partie aux objectifs de l’OMS mais ne réduit pas entièrement le risque de complications à long terme liées à ces infections et il reste encore beaucoup à faire pour les personnes dont le diagnostic n’est pas encore connu, pour les prises en charge tardives, et pour certaines catégories de patients difficiles à suivre correctement. Concernant le VHB, la problématique en lien avec la transmission materno-fœtale et la couverture vaccinale mondiale encore sous-optimale ralentissent les progrès vers les objectifs fixés par l’OMS mais les avancées scientifiques récentes ouvrent des perspectives intéressantes.
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Cette brève revue a pour objectif de faire le point sur les nouveautés concernant les infections chroniques par les virus des hépatites B et C.
Hépatite B
Le virus de l’hépatite B serait responsable d’environ 250 millions infections chroniques dans le monde [2]. Selon les estimations de l’OMS, les hépatites virales seraient responsables d’environ 1.4 million de décès chaque année, dont un peu plus de la moitié seraient imputables au VHB [1]. Selon l’étude Global Burden of Disease 2017, l’hépatite B serait à l’origine de 36.7 et 2.97 millions de cirrhoses compensées et décompensées respectivement. Concernant la mortalité, la proportion de décès liée à une cirrhose causée par le VHB varie de 5.7 % en Amérique du Nord à 48.9 % en Afrique subsaharienne. Globalement, en 2017, 31.5 % des décès liés à une cirrhose était causée par le VHB [3].
L’OMS a fixé plusieurs objectifs en vue de l’élimination de l’hépatite virale comme menace grave à la santé publique d’ici 2030 avec notamment, la réduction de 95 % de l’incidence de nouveaux cas d’hépatite B, de réduire de 65 % la mortalité liée à l’hépatite virale, de diminuer de 90 % la transmission materno-fœtale mais également d’atteindre une couverture vaccinale pédiatrique de 90 % [1]. Le bilan intermédiaire mené par l’agence européenne pour la prévention et le contrôle des maladies infectieuses (ECDC, European Centre for Disease Control) montre que l’Europe ne remplit pas les objectifs fixés par l’OMS. Par exemple, l’ECDC a démontré que l’objectif de couvrir la vaccination à 95 % n’est atteint que pour 29.7 % des pays européens ayant implémenté la vaccination universelle [4]. Avec ces résultats en Europe, on imagine aisément la difficulté à implémenter les mesures proposées par l’OMS dans des régions en voie de développement et de la difficulté à atteindre ces objectifs d’ici 2030.
CHC et cirrhose
Les deux problématiques majeures en lien avec l’infection chronique par le VHB sont l’évolution de la maladie chronique vers une cirrhose et le développement d’un carcinome hépatocellulaire (CHC). Par opposition aux CHCs d’autres étiologies, le CHC en lien avec l’hépatite B chronique a la particularité de se développer plus fréquemment que les autres CHCs sur un foie non cirrhotique. En effet, les données de la littérature relèvent que jusqu’à 30 % des CHCs se développent sur un foie non cirrhotique lorsqu’ils sont liés à une hépatite B [5].
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Actuellement on réduit le risque d’évolution vers la cirrhose et le CHC en introduisant des traitements qui diminuent le taux de réplication virale. Généralement on utilise des analogues nucléot(s)idiques (ANs) dont les indications encore très restreintes sont basées sur plusieurs critères comprenant entre autres, des critères virologiques, biologiques ou encore histologiques. Les ANs habituellement utilisés sont disponibles en monothérapie quotidienne et comprennent le ténofovir disoproxil fumarate (TDF), le ténofovir alafenamide (TAF) et l’entécavir (ETV). Ils permettent généralement un « contrôle immun » défini par la présence d’une suppression virale soutenue, mais ils ne permettent l’élimination du virus que dans 5–10 % des cas, que l’on appelle communément la « cure fonctionnelle » [6]. L’objectif principal d’un traitement antiviral est d’atteindre une suppression virale permanente afin de réduire l’inflammation du foie et par conséquent, réduire la progression de la maladie hépatique et la mortalité associée. Les observations actuelles montrent que les ANs permettent de réduire le risque d’évolution vers le CHC. Cependant, concernant les patients cirrhotiques, on sait que le risque de développer un CHC est faiblement modifié par la prise des antiviraux dans les cinq premières années, puis chute drastiquement par la suite [7]. L’introduction des ANs ne doit donc pas être retardée chez les patients cirrhotiques. Pour les patients non cirrhotiques, une introduction plus précoce est débattue. Plusieurs études comparant les patients coinfectés HIV/HBV aux patients mono-infectés par le VHB ont montré que l’incidence de CHC était plus faible parmi les patients coinfectés, suggérant un effet bénéfique probablement lié à l’introduction précoce d’AN [8, 9]. Dans l’attente d’obtenir des traitements curatifs, une discussion concernant l’introduction plus précoce des ANs doit être entreprises par les sociétés savantes dans l’objectif de réduire l’incidence de CHC.
Nouvelles thérapies en cours d’évaluation
La localisation nucléaire du VHB dans l’hépatocyte associé à un épuisement du système immunitaire rend son élimination difficile. Les traitements actuellement à disposition ont des indications limitées et agissent en interférant avec la réplication virale et nécessitent généralement de poursuivre le traitement à vie.
Avec les objectifs fixés par l’OMS en vue d’éradiquer l’hépatite virale comme grave menace à la santé publique et le poids de l’hépatite virale en termes de morbi-mortalité mondiale, de nombreux essais cliniques s’intéressent à des traitements à visée curative avec des résultats prometteurs pour certains. Nous allons passer brièvement en revue les nouveaux traitements en cours d’essai et les résultats préliminaires (Fig. 1). Nous ne reviendrons pas sur les traitements actuellement sur le marché (i.e., ANs et interféron alpha pégylé (PEG-IFN-α)).
Fig. 1
Cibles thérapeutiques antivirales directes et indirectes. Les cibles antivirales directes incluent les inhibiteurs d’entrée, les inhibiteurs du relargage d’Ag HBs, les analogues nucléot(s)idiques, les modulateurs de l’assemblage de la capside (CpAMs) et les short interfering RNA (siRNAs). Les thérapies indirectes incluent les checkpoints inhibiteurs et les agonistes des récepteurs Toll-like
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Inhibiteurs d’entrée
Cette classe thérapeutique cible le récepteur du VHB, c’est-à-dire le Sodium taurocholate cotransporting polypeptide (NTCP). En se liant au récepteur de manière compétitive, ces molécules empêchent l’entrée du VHB et du virus de l’hépatite D (VHD) dans l’hépatocyte. A ce jour, les études ont montré l’efficacité du bulevirtide uniquement dans le contexte d’une co-infection par les virus des hépatites B et D. L’efficacité du bulevirtide a été étudiée en monothérapie ou en bithérapie avec le PEG-IFN‑α ou le TDF. Les résultats ont montré une meilleure efficacité de la combinaison bulevirtide–PEG-IFN‑α sur la négativation de l’ARN du VHD sans modification de l’Ag HBs [10, 11]. Actuellement il n’existe pas de recommandation concernant l’introduction de ce traitement chez les patients mono-infectés par le VHB.
Modulateurs de l’assemblage de la capside
La protéine Core du VHB est nécessaire à l’assemblage du génome viral et à la transcription réverse. Les modulateurs de l’assemblage de la capside (CpAMs) vont générer des capsides vides ou dysfonctionnelles, empêchant la production du virions infectieux et le réapprovisionnement du minichromosome viral dans le noyau de l’hépatocyte [12]. Actuellement, on relève plusieurs essais de phase II en cours mais malgré une baisse de l’ADN viral et des taux d’ARN circulant du VHB (un marqueur de l’activité transcriptionnelle du minichromosome viral), il n’y a actuellement pas d’efficacité observée sur le taux d’Ag HBs lorsque les CpAMS sont utilisés en monothérapie [13].
Inhibiteurs du contrôle post-transcriptionnel (short interfering RNA)
Les molécules interférant avec l’ARN (siRNA) ciblent les transcrits du VHB en induisant leur dégradation, empêchant ainsi l’expression génique.
Parmi les différents essais en cours, on retiendra les derniers résultats présentés par [14] qui a comparé l’efficacité des siRNA avec trois bras d’études comprenant un groupe placebo, un groupe traité par une bithérapie avec des ANs associé à un CpAM (JNJ6379) et un groupe traité par AN associé à un siRNA (JNJ3989) à différentes posologies. L’endpoint primaire défini par la présence de critères permettant l’arrêt des ANs (ALAT < 3 × la norme, ADN HBV en dessous du seuil de quantification, Ag HBs <10 IU/ml) était atteint par près de 30 % des cas dans le groupe traité par AN associé à 200 mg de JNJ3989 [14]. Un essai de phase III est attendu.
Inhibiteurs du relargage d’Ag HBs : polymère d’acides nucléiques
Les polymères d’acides nucléiques ont la capacité d’inhiber deux étapes importantes du cycle viral : 1) l’entrée du virus dans l’hépatocytes, 2) la sécrétion d’Ag HBs en dehors de l’hépatocyte [15].
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Le REP-2139 est un oligonucléotide administré de manière sous-cutanée. Il a été évalué dans une étude de phase II qui a permis de mettre en évidence une séro-conversion durable pour une bonne partie des patients traités. Cependant, il est à noter que ce schéma de traitement nécessite l’ajout de PEG-IFN‑α [16]. Les essais de phase III sont en cours et permettront d’évaluer l’efficacité de ce traitement.
Immunomodulation: agonistes des récepteurs Toll-like, inhibiteurs de point de contrôle, vaccins thérapeutiques
L’abondance de particules sous virales contribue à l’épuisement des lymphocytes T et à la diminution de la réponse immune innée [12]. L’altération de la réponse immune observée lors d’infection chronique par le VHB offre des possibilités pour cibler les mécanismes immunomodulateurs.
Les agonistes des récepteurs Toll-like sont capables d’activer des voies de signalisation permettant une suppression de la réplication virale in vitro et in vivo. Toutefois, les résultats actuels n’ont pas montré d’effets sur les marqueurs de l’hépatite B (ADN HBV, Ag HBs, antigène HBe (Ag HBe)) [17, 18].
Les inhibiteurs des checkpoints immunitaires sont des molécules capables de restaurer l’immunité antitumorale et sont utilisés dans de nombreuses indications oncologiques. Des essais in vitro ont étudié l’impact des voies d’inhibition liées à la défaillance des lymphocytes T CD8+ spécifiques au VHB et de l’impact du blocage des récepteurs inhibiteurs. Ils ont pu observer que l’utilisation d’anti-PD1 permettait une récupération de la fonction cellulaire des cellules T dirigées contre le VHB [19]. Plus intéressant encore, l‘association d’anticorps anti-PDL‑1 et d’AN a été testée chez des patients avec une hépatite B chronique avec des résultats très encourageants puisque les auteurs ont observé une élimination de l’Ag HBs chez 19 % des patients inclus dans cette étude.
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Concernant les vaccins thérapeutiques, ils ont pour objectif de stimuler la réponse immune afin de récupérer le contrôle immun dirigé spécifiquement contre le VHB. Cependant, les conclusions d’une récente méta-analyse sont décevantes et montrent l’absence d’efficacité du vaccin thérapeutique pour le traitement de l’hépatite B chronique [20].
Les objectifs de l’OMS qui visent à l’élimination de l’hépatite B comme menace grave à la santé publique ne sont pas encore atteints en Europe et des efforts restent à faire pour diminuer le risque de transmission materno-fœtale et pour implémenter la vaccination universelle. Les essais visant une prise en charge curative de l’hépatite B sont multiples avec des résultats prometteurs mais des essais de phase III sont attendus pour confirmer ces résultats à large échelle.
Hépatite C
L’avènement des antiviraux directs dirigés contre le VHC ont permis une avancée majeure dans la prise en charge de cette pathologie. Les traitements sont efficaces, sûrs et on observe peu de résistance. Cependant, le risque d’évolution vers un CHC persiste et la surveillance des patients après une réponse virale soutenue (RVS) reste nécessaire pour un bon nombre de patients.
Malgré les avancées majeures, de nombreux défis persistent mais diffèrent lorsque l’on parle des pays en voie de développement ou des pays avec un revenu économique élevé.
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Patients à traiter
Selon les récentes estimations épidémiologiques, on estime qu’entre 2015 et 2020 seulement 5 % des patients diagnostiqués d’une hépatite C chronique ont été traités. En 2020, on a estimé que sur 56.9 millions d’individus infectés par le virus de l’hépatite C, seulement 12.9 millions de patients auraient été diagnostiqués [21]. Ces chiffres soulèvent deux problématiques : 1) Les lacunes dans le diagnostic de l’hépatite C, 2) Les difficultés à intégrer certaines sous-populations de patients dans le circuit de santé.
En suisse, la prévalence de l’hépatite C est estimée à 0.37 % [22], ce qui est relativement faible à comparer avec certains chiffres de pays européens ou africains [23]. Cependant, le dépistage systématique du VHC n’est pas recommandé en suisse, hormis pour les personnes à haut risque d’infection, par exemple les usagers de drogues intraveineuse ou intranasale, pour lesquels un dépistage annuel est recommandé. Concernant les usagers de drogues intraveineuse l’Office fédéral de la santé publique estime que plus de 80 % ont été dépisté au moins une fois dans leur vie [24]. On ignore le bénéfice d’élargir le dépistage à la population générale ou à d’autres groupes dit « à risque » mais les chiffres mondiaux, essentiellement obtenus en se basant sur des critères de dépistage des personnes à risque, mettent clairement en exergue les lacunes dans le dépistage de l’hépatite C.
Concernant les patients diagnostiqués et non traités, différentes études ont mis en évidence des failles au cours du processus qui s’étend du dépistage jusqu’à la réponse virale soutenue, résultant en une perte de candidats au traitement. Ces études portent principalement sur des populations marginalisées, qui ont un accès restreint au système de santé et comprenant les patients sans domicile fixe, les usagers de drogues, les migrants ou encore les patients souffrant de troubles psychiatriques. Une étude récente portant sur les patients sans domicile fixe et les usagers de drogue intraveineuse a montré que seulement 66 % des patients testés positifs pour l’hépatite C se présentaient pour le résultat du test et, que seulement 84 % de ces patients complétaient le traitement, avec cependant un taux de guérison final d’environ deux tiers [25].
Plusieurs options sont proposées pour diminuer la perte de suivi. Par exemple, initier le traitement antiviral le jour du diagnostic; une étude récente a comparé de manière randomisée la prise en charge standard avec une prise en charge accélérée en mettant à disposition le traitement le jour du dépistage. Les résultats sont très encourageants puisque l’on observe que 85.7 % des patients ont complété le traitement dans le groupe de prise en charge accélérée contre 9.1 % dans le groupe contrôle [26].
Une autre option pour améliorer l’adhérence thérapeutique serait de proposer des traitements avec des formulations à libération prolongée afin de ne réaliser qu’une seule injection au début du traitement, faite le jour même du diagnostic [27].
Prise en charge des patients traités et guéris
L’utilisation des antiviraux directs (DAAs, Direct-Acting Antivirals en anglais) dirigés contre le VHC permet une guérison de l’hépatite C dans la majorité des cas. Une minorité des patients doit cependant bénéficier d’un suivi afin de dépister les complications liées à l’infection chronique par le VHC.
Dépistage du carcinome hépatocellulaire
La présence d’une RVS diminue de manière significative le risque de CHC quel que soit le régime de traitement utilisé avec une réduction du risque de CHC estimée à 71 % après traitement par DAAs selon une étude portant sur les vétérans américains [28]. Le risque résiduel de CHC est en partie expliqué par le pouvoir oncogène du VHC qui induit une dérégulation persistante des cascades de signalisation hépatocytaire [29]. Cependant, le risque résiduel d’évolution vers le CHC est principalement lié au degré de fibrose au moment de l’introduction des DAAs avec un risque maximal lorsque le sujet a atteint le stade de cirrhose [30]. Pour cette raison, les recommandations internationales sont en faveur d’une surveillance semestrielle par une imagerie hépatique et un dosage de l’alpha-fœtoprotéine pour les patients avec une fibrose avancée (score METAVIR F3) et les patients cirrhotiques (score METAVIR F4) [31], même si ces critères pourraient être révisés dans un futur proche [32].
Morbi/mortalité associée à l’hépatite C
Globalement, les différentes études ont objectivé une diminution de la mortalité après traitement de l’hépatite C par les DAAs avec une amélioration de la mortalité toute cause confondue (HR 0.34, 95 % CI 0.22–0.55 ; p < 0.001) de même que la mortalité liée directement à l’atteinte hépatique (HR 0.28, 95 % CI 0.15–0.54 ; p = 0.001) [33]. On observe une réduction de la mortalité jusqu’à 78.9 % (p < 0.001) chez les patients avec une RVS comparé aux patients ne présentant pas de RVS [34]. En parallèle, les valeurs d’hypertension portale sont également en amélioration après un traitement par DAAs.
Suivi des patients comorbides
La présence concomitante d’une hépatite virale et de comorbidités en lien avec l’hépatopathie peuvent modifier l’évolution de l’atteinte hépatique après une RVS et justifier la poursuite d’un suivi spécialisé.
Le surpoids est associé à une persistance d’une perturbation des tests hépatiques après une RVS [35] et de nombreuses données montrent une prise de poids chez les patients après une RVS [36‐38] ce qui soulève l’importance d’un suivi nutritionnel par le médecin en charge et d’encourager la perte de poids avant l’introduction des DAAs. Cependant, des données récentes japonaises suggèrent que la hausse du poids, qui survient principalement chez les patients non obèses, serait liée à une augmentation de la masse musculaire [39].
La stéatose hépatique (aussi appelée non-alcoholic fatty liver disease (NAFLD)) est une affection fréquente dans le contexte d’une infection par le virus de l’hépatite C. Le génotype 3 est le seul génotype induisant directement une NAFLD [40] ; pour les autres génotypes, la prévalence de stéatose est plus faible mais généralement associée à un syndrome métabolique et une résistance à l’insuline [41]. La présence d’une stéatose hépatique avant l’introduction d’un traitement antiviral est associée à la persistance d’une élévation de la valeur d’élastométrie post-traitement [42]. Ceci suggère qu’il est nécessaire de poursuivre le suivi pour ces patients afin d’évaluer l’évolution de la fibrose et les complications à long terme associées à cette fibrose.
L’infection chronique par le VHC est associée au développement du diabète de type 2 en raison d’une perturbation du métabolisme du glucose induisant une résistance à l’insuline hépatique. La présence d’une RVS permet une amélioration du profil glycémique [43] mais les études montrent que la présence d’un diabète antérieurement au traitement par DAAs est associée à un risque de CHC augmenté jusqu’à quatre fois chez les patients cirrhotiques [30, 44].
Pour résumer, les patients connus pour une fibrose avancée ou une cirrhose (score METAVIR F3-F4) et les patients présentant un surpoids, une stéatose hépatique et/ou un diabète de type 2 doivent bénéficier d’un suivi à long terme après une RVS. Ce suivi à long terme a pour but d’éviter les complications en lien avec la maladie chronique du foie et l’évolution vers un CHC. Pour ces patients, les recommandations européennes proposent un dépistage semestriel du CHC associé à un dosage de l’alpha-fœtoprotéine.
Conclusion
Malgré de nombreux efforts dans le domaine de la santé publique, les hépatites virales B et C chroniques restent un problème de santé publique majeur avec de nombreux obstacles pour atteindre les objectifs fixés par l’OMS.
Dans l’attente d’un traitement curatif pour le VHB, les médecins doivent rester vigilants sur le risque de CHC et proposer un dépistage régulier par une imagerie hépatique et un dosage de de l’alpha-fœtoprotéine. D’un point de vue plus global, les sociétés savantes doivent appuyer les campagnes de vaccination universelle et la prévention de la transmission materno-fœtale si l’on veut espérer éliminer l’hépatite virale comme grave menace à la santé publique.
L’élimination du VHC rencontre des difficultés qui diffèrent du VHB car un traitement curatif est disponible mais le taux de patients guéris reste encore sous optimal. Des mesures de santé publique doivent être mises en place pour faciliter l’accès aux soins et proposer des alternatives de prise en charge pour ces patients.
Take-home message
L’OMS a proposé de nombreuses stratégies visant à réduire l’hépatite virale comme menace grave à la santé publique
Les défis majeurs pour l’élimination de l’hépatite B sont l’implémentation de la vaccination universelle, la prévention de la transmission materno-fœtale et la recherche d’un traitement curatif
Malgré un traitement hautement efficace contre le virus de l’hépatite C, on estime que seulement 5 % des patients diagnostiqués ont été traités en 2020.
Deux problématiques majeures en lien avec l’hépatite C persistent : 1) l’accès aux patients virémiques, 2) le suivi des patients guéris.
Conformité aux directives éthiques
Conflit d’intérêts
M. Ongaro et F. Negro déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.
Pour cet article, les auteurs n’ont réalisé aucune étude sur les humains ou les animaux. Les études réalisées étaient conformes aux normes éthiques indiquées dans chaque cas.
Open Access This article is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License, which permits use, sharing, adaptation, distribution and reproduction in any medium or format, as long as you give appropriate credit to the original author(s) and the source, provide a link to the Creative Commons licence, and indicate if changes were made. The images or other third party material in this article are included in the article’s Creative Commons licence, unless indicated otherwise in a credit line to the material. If material is not included in the article’s Creative Commons licence and your intended use is not permitted by statutory regulation or exceeds the permitted use, you will need to obtain permission directly from the copyright holder. To view a copy of this licence, visit http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/.
Note de l‘éditeur
Springer Nature conserve une position neutre en ce qui concerne les revendications juridictionnelles dans les cartes géographiques et les affiliations institutionnelles figurant dans ses publications.